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ludo973

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15 septembre 2010

Roms: Bruxelles va déclencher une double procédure d'infraction contre la France

Des Roms dans un campement à Fleury-Merogis, le 6 septembre 2010.

AP/Christophe Ena

Des Roms dans un campement à Fleury-Merogis.

Viviane Reding a perdu patience : la commissaire européenne en charge de la justice a annoncé, mardi 14 septembre à Bruxelles, son intention de lancer une double procédure d'infraction contre la politique de la France à l'égard des Roms. Une décision en ce sens devrait être prise, en urgence, par le collège des 

commissaires, dans un délai de deux semaines.La première procédure est relative au non respect des garanties légales (procédure écrite, possibilités d'appel, analyse au cas par cas) prévues par la directive sur la libre circulation des ressortissants européens, en cas d'expulsion. La seconde porte sur le caractère "discriminatoire" des mesures décidées en France.

Mme Reding a martelé qu'il ne pouvait être question de mener des politiques "discriminatoires" à l'égard des Roms. La Commission a été excédée par la publication de la circulaire administrative française en date du 5 août ciblant "en priorité" les Roms dans les opérations de démantèlement des camps illicites. Or, depuis la fin août, les autorités françaises n'avaient de cesse d'expliquer à Bruxelles que la politique de Nicolas Sarkozy ne ciblait aucune minorité en particulier. Eric Besson, le ministre de l'immigration, et Pierre Lellouche, le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avaient même rencontré Mme Reding à Bruxelles pour lui porter ce message. La commissaire s'était réjouie du changement de ton des autorités françaises, tout en leur demandant des "clarifications".

"JE TROUVE CHOQUANT..."

Le gouvernement français n'avait cependant pas transmis à la Commission la circulaire du 5 août, au grand dam de Mme Reding : "Je trouve choquant qu'une partie du gouvernement [français] vienne m'expliquer quelques chose à Bruxelles, et que l'autre partie fasse le contraire à Paris", a lancé la commissaire chrétienne démocrate luxembourgeoise.

A propos de la nouvelle circulaire, Mme Reding "attend de juger sur les actes, mais ne veux pas se contenter d'un changement de langage". Mme Reding a, par ailleurs, vivement défendu le rôle de la Commission en tant que gardienne des traités, en critiquant les propos tenus la veille par M. Lellouche, qui contestait cette fonction. "La commission est gardienne des traités, et cela est l'un des fondements de l'Union européenne."

Philippe Ricard

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14 septembre 2010

La tolérance exemplaire de M Bloomberg

Au matin du 3 août, près de neuf ans après les attentats du 11 septembre 2001, le conseil municipal de la ville de New York a décidé à la majorité qu’une mosquée pourrait être construite près des deux anciennes tours jumelles. Un des plus fervents soutiens du projet est le maire de la ville et, pour se féliciter de ce vote, ce dernier a prononcé un discours en un lieu très symbolique. En toile de fond de la scène, on voyait la statue de la Liberté. Il a parlé de l’histoire de New York et de ses immigrés, qui arrivaient des quatre coins du monde précisément à cet endroit-là, fuyant l’emprise de l’Eglise en Europe et cherchant un havre de liberté et des opportunités de réussite. Il a ensuite vanté le pluralisme culturel, religieux, linguistique et ethnique de la ville, mais aussi rappelé les moments où les juifs et les catholiques avaient été interdits de construire leurs lieux de culte.

Il a pleuré sur ces heures sombres du passé. Mais c’était pour mieux se réjouir des perspectives radieuses de l’avenir que cette décision allait permettre d’ouvrir. Il a souligné que la société new-yorkaise était inébranlablement celle de la plus grande diversité de tous les continents et que la tolérance en était le trait dominant. Ainsi, il a donné au monde une leçon d’engagement derrière les valeurs suprêmes et des idéaux sublimes. En faisant abstraction de la question de savoir si cet endroit convenait à la construction d’une mosquée et alors que nous savons que les attentats du 11 septembre ont été malheureusement perpétrés au nom de l’islam, il s’est contenté d’apporter un soutien courageux aux membres musulmans de la société new-yorkaise afin qu’ils puissent jouir de leurs droits constitutionnels.

Barack Obama a pris une position proche de celle du maire, ce qui a poussé certains à l’accuser d’être de confession musulmane ou, du moins, sympathisant des musulmans. Mais cela ne s’applique pas au maire Michael Bloomberg, qui est un républicain d’origine russe et juive. Oui, cet homme-là, qui a fait ce beau discours sur la tolérance, est bien juif.

dans "Courrier international"

13 septembre 2010

"Le Monde" l'Elysée et la liberté d'informer

La loi est sans équivoque : "Le secret des sources des journalistes est protégé dans l'exercice de leur mission d'information du public." C'est sous la présidence de Nicolas Sarkozy que cet article a été ajouté à la loi sur la presse. C'est sous sa présidence qu'il vient d'être transgressé. Il y a quelques semaines, un service de l'Etat a été mis à contribution pour identifier la source d'un journaliste du Monde qui enquêtait sur l'affaire Woerth-Bettencourt. Une initiative décidée en violation du principe qui institue les journalistes en nécessaire contre-pouvoir.

L'affaire a des précédents, sous cette présidence et sous d'autres. Il reste que l'enquête menée par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) à l'encontre d'un haut fonctionnaire soupçonné d'être l'auteur de fuites vise à intimider les médias.

La chronique du dossier Woerth-Bettencourt s'enrichit, avec cette intervention de la DCRI, dont le pouvoir use comme d'un cabinet noir, d'une nouvelle irrégularité. Il y a longtemps que l'enquête sur cette affaire de rapports incestueux entre la droite et l'argent caché aurait dû être confiée à un juge d'instruction, c'est-à-dire à un magistrat du siège indépendant, plutôt que de rester entre les mains du parquet, qui n'a de compte à rendre qu'au ministre.

S'affranchir ainsi des règles de la simple justice est la solution qu'a imaginée l'Elysée pour circonscrire l'incendie. Comme le feu, chaque jour ou presque, repart de plus belle, il est commode d'accuser les journalistes d'être les incendiaires. Et d'essayer de les faire taire.

L'article qui renforce le secret des sources a été ajouté le 4 janvier 2010 à la "loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse", dont l'intitulé et le millésime disent clairement qu'elle est un fondement de la République. Il aligne le droit français sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, laquelle, dans un arrêt de 1996, affirmait déjà le droit et le devoir pour les journalistes de taire l'origine de leurs informations.

Dans sa version de 2010, la loi de 1881 précise qu'il ne peut être porté atteinte au secret des sources "que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie". Le pouvoir interprète de manière insolite cette notion d'intérêt public, qu'il confond avec son intérêt propre, avec l'intérêt de la majorité d'aujourd'hui à garder le plus longtemps possible ce dossier sous l'éteignoir, en tentant, après la justice, d'étouffer la presse. L'intérêt public voudrait au contraire que la lumière soit faite au plus vite sur l'affaire Woerth-Bettencourt, qui empoisonne le climat politique et nuit, en pleine réforme des retraites, au dialogue social.

Le bon sens démocratique rejoint ici la question de principe. Le Monde ne peut admettre cette violation du secret des sources, pour lui-même et pour ceux qui ont vu dans la loi de 1881 version 2010 un surcroît de légitimité reconnue aux journalistes. Ce souci de transparence citoyenne justifie que nous portions plainte auprès du parquet pour que, dans cette affaire et d'autres, la liberté de la presse soit strictement respectée.

dans "Le Monde"

19 août 2010

L'amour de soi et la haine des autres

La délinquance urbaine est depuis trop longtemps un fléau que ni la droite ni la gauche n'ont su combattre. Cette violence sur les personnes frappe d'abord les plus modestes, nourrissant chez eux un sentiment légitime d'injustice et de frustration, de colère aussi, à la mesure de l'impuissance publique.Par son discours de Grenoble du 30 juillet, le président Sarkozy a voulu conjurer la faillite de sa politique en déclenchant une offensive sécuritaire choquante.

"Guerre" à la délinquance, "déchéance de nationalité pour les Français d'origine étrangère". Lien établi entre immigration et criminalité. Stigmatisation des gens du voyage aux "grosses cylindrées", dixit Brice Hortefeux. Notion, contraire au droit, de "présumé coupable" proférée par le même ministre de l'intérieur, condamné en première instance pour injure raciale, et qui a trouvé à Nantes une cible sur mesure de voleur-violeur-exciseur-polygame.

De quoi jeter l'opprobre sur tous les musulmans, comme lorsque, en 2007, le candidat Sarkozy évoquait "les moutons tués dans les appartements". Sous couvert d'assistance à populations en danger perce l'électoralisme cynique d'un chef de l'Etat qui semble chercher d'abord à sécuriser une victoire en 2012. Aucune fin ne saurait justifier de tels moyens, alors que l'ONU dénonce une montée de la xénophobie en France.

Depuis la "racaille" et le "Kärcher", ces marques de fabrique du sarkozysme, depuis la création du ministère de l'identité nationale et de l'immigration, rapprochement douteux suggérant que la seconde menace la première, le président construit le même mur. Celui des préjugés, des stéréotypes, des ennemis de l'intérieur. Celui de la défiance entre un Eux et un Nous, entre la France des "vrais" Français et la souffrance de tous ceux qui ne volent ni ne tuent, mais portent les stigmates de l'étranger. Le chemin a rarement été aussi court entre l'amour de soi et la haine des autres. La désignation de boucs émissaires n'effacera pourtant jamais la délinquance ni l'affaire Woerth-Bettencourt.

Le résultat est là : les mots ont été choisis comme autant d'armes qui créent la polémique et anesthésient la pensée. Par sa brutalité verbale et physique - on ne parle plus que de démantèlements de camps roms illégaux -, le pouvoir ferme la porte à toute réflexion intelligente. Là où il faudrait proposer, on ne peut que protester. Langage d'exclusion, d'élimination. Refus de remonter à la source des maux. Jeter les gens à la rue, miser sur la répression et réduire les moyens éducatifs : n'est-ce pas la pire manière de combattre la délinquance ?

Cette politique de l'humiliation donne une vision dégradante de l'action publique. La France n'est pas un pays raciste. Mais en activant les pulsions du racisme, l'exécutif bafoue nos principes et nos valeurs. L'article premier de la Constitution, faut-il le rappeler, affirme que la République "assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d'origine, de race ou de religion".

Eric Fottorino, in "Le Monde"

19 août 2010

Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège

Le discours d’André Malraux [modifier]

Un discours solennel et émouvant fut prononcé lors de la grande cérémonie officielle où le ministre de la Culture, grand homme de lettres, intellectuel et philosophe de la République française, héros de la Résistance et compagnon de Résistance de Jean Moulin, André Malraux fait entrer Jean Moulin au Panthéon des grands Hommes de la République française. Il fait de lui à cette occasion « le symbole » de l'héroïsme français, de toute la Résistance à lui seul en l'associant à tous les Résistants français, héros de l'ombre, connus et inconnus, qui ont permis de libérer la France au prix de leur souffrance, de leur vie, et de leur idéologie de Liberté. Ce discours composé et prononcé par André Malraux fait partie des plus grands discours de la République française[6].

« Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit… »
« C'est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l'an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu'elles reposent avec leur long cortège d'ombres défigurées. Aujourd'hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n'avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France... »

Ce discours légendaire fut suivi de façon magistrale et grandiose par le chant des Partisans interprété par une grande chorale devant le Panthéon

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6 juillet 2010

Le Mondial, un spectacle pour les consommateurs ou pour les citoyens?

La télévision par câble ou par satellite, les chaînes cryptées ou encore le pay-per-view ont érodé le modèle d'accès gratuit aux grands évènements sportifs par des chaînes hertziennes. Face à cette menace, un décret du 22 décembre 2004 impose que 21 événements sportifs "majeurs" soient accessibles à tous en France. Ce décret est lié au marché unique européen et à une directive communautaire "Télévision sans frontières" (1989) visant à permettre "au public d'accéder librement à la retransmission d'événements jugés d'une importance majeure pour la société"

Certains spectacles sportifs semblent ainsi être devenus des biens publics auxquels le citoyen doit pouvoir accéder sans payer. Evidemment, cette définition du spectacle sportif ne va pas de soi. On peut tout d'abord s'interroger sur le périmètre des événements retenus qui correspond largement aux meilleures audiences et renforce ainsi les clivages entre les sports médiatisés et les autres.

De plus l'application de la loi pose problème puisque, par exemple, la finale du championnat d'Europe de handball remportée par la France en 2006 n'a pas été diffusée sur une chaine hertzienne alors qu'elle fait partie des 21 événements majeurs. Il convient également de se demander ce qui légitime la défense de l'accès au spectacle sportif. Est-ce pour aller dans le sens d'un modèle de consommateur-citoyen, à l'image de ce que les conservateurs espagnols exprimaient à propos de la médiatisation du football : "cette conquête sociale qu'est le football pour le consommateur espagnol" (Le Monde, 31 mai 1997) ? Est-ce parce que l'émotion collective des grandes victoires entretient le sentiment d'appartenance à une communauté et permet l'affirmation de liens qui dépassent les clivages sociaux ? Faut-il garantir l'accès aux grands événements sportifs parce qu'ils symbolisent une culture partagée ?

LE PARADOXE D'UN SPORT À USAGES CONTRADICTOIRES

Le désir d'une citoyenneté soucieuse d'un renforcement des liens sociaux est louable mais les effets de la célébration des héros nationaux demeurent souvent modestes : la France "black-blanc-beurs" de 1998 n'a laissé que bien peu de traces. Les détracteurs du spectacle sportif suggèrent que la massification du spectacle sportif détourne l'attention des citoyens des questions politiques plus fondamentales. En effet, la mobilisation politique semble varier en raison inverse de la diffusion de la consommation (Hirschman A. O., Bonheur privé, action publique, 1983, Paris, Fayard) et on peut s'interroger sur la contribution à la citoyenneté d'un spectacle sportif essentiellement masculin, médiatisé par des journalistes hommes pour une audience masculine.

Est-ce pour tempérer une vision libérale du marché et la rendre plus acceptable que l'accès de tous aux grands événements sportifs est devenu un droit ? Alors que la figure du consommateur a effacé celle du travailleur avec la montée du libéralisme (Ohl F., La construction sociale des figures du consommateur et du client, 2002, Sciences de la société), la mobilisation de la figure du citoyen est une façon d'y résister (Gabriel Y., Lang T., The Unmanageable Consumer. Contemporary Consumption and its Fragmentations, 1995, London, Sage).

Il peut donc sembler paradoxal de sélectionner des produits de grande consommation et de les métamorphoser en évènements "d'importance majeure" au nom de la culture et de la citoyenneté. Le paradoxe est bien celui du sport qui connait des usages multiples et contradictoires : il peut renforcer un sentiment communautaire ou, à l'opposé, accentuer des clivages.

Fabien Ohl et Lucie Schoch, Université de Lausanne, dans Le Monde

8 juin 2010

Pourquoi je défends Israël

Je n’ai évidemment pas changé de position. Je continue de juger «stupide», comme je l’ai dit le jour même, à Tel Aviv, dans un débat musclé avec une ministre de Netanyahu, la façon dont a été mené, au large de Gaza, l’assaut contre le Mavi Marmara et sa flottille.

Et me serait-il resté le moindre doute que l’arraisonnement du 7e navire, ce samedi matin, sans violence aucune, aurait achevé de me convaincre qu’il y avait d’autres façons d’opérer pour éviter que ne se referme ainsi, dans le sang, le piège tactique et médiatique tendu à Israël par les provocateurs de Free Gaza.

Cela dit et redit, on ne peut pas accepter non plus, et pour autant, le flot d’hypocrisie, de mauvaise foi et, à la fin des fins, de désinformation qui semblait n’attendre que ce prétexte pour, comme chaque fois que l’Etat juif commet une erreur et trébuche, s’engouffrer dans la brèche et déferler dans les médias du monde entier.

Désinformation, la formule, ressassée jusqu’à la nausée, du blocus imposé «par Israël» alors que la plus élémentaire honnêteté voudrait déjà que l’on précise : par Israël et par l’Egypte ; conjointement, des deux côtés, par les deux pays identiquement frontaliers de Gaza ; et ce, avec la bénédiction à peine déguisée de tous les régimes arabes modérés - trop heureux de voir autrui endiguer, pour le compte et la satisfaction de tous, l’influence de ce bras armé, de cette base avancée, un jour, peut-être, de ce porte-avions de l’Iran dans la région.

Désinformation, l’idée même d’un blocus «total et impitoyable» (Laurent Joffrin, éditorial de Libération du 5 juin) prenant «en otage» (Dominique de Villepin, le Monde du même jour) «l’humanité en danger» de Gaza : le blocus, il ne faut pas se lasser de le rappeler, ne concerne que les armes et les matériaux pour en fabriquer ; il n’empêche pas que passent, tous les jours, depuis Israël, entre 100 et 120 camions chargés de vivres, de médicaments, de matériel humanitaire en tout genre ; l’humanité n’est pas «en danger» à Gaza ; c’est mentir que de dire que l’on «meurt de faim» dans les rues de Gaza-City ; que le blocus militaire soit, ou non, la bonne option pour affaiblir et, un jour, abattre le gouvernement fascislamiste d’Ismaïl Haniyeh, on peut en discuter - mais indiscutable est le fait que les Israéliens qui officient, jour et nuit, aux points de contrôle entre les deux territoires sont les premiers à faire l’élémentaire mais essentielle distinction entre le régime (qu’il faut tenter d’isoler) et la population (qu’ils se gardent de confondre avec ce régime ni, encore moins, de pénaliser puisque l’aide n’a, encore une fois, jamais cessé de passer).

Désinformation : le silence, en France comme ailleurs, sur l’incroyable attitude du Hamas qui, maintenant que la cargaison de la flottille a rempli son office symbolique, maintenant qu’elle a permis de prendre l’Etat juif en défaut et de relancer comme jamais la mécanique de sa diabolisation (dans Libération encore, ce titre terrible et qui, si les mots veulent encore dire quelque chose, ne peut qu’aller dans le sens de la délégitimation de l’Etat hébreu : «Israël, Etat pirate»), maintenant, en d’autres termes, que ce sont les Israéliens qui, inspection faite, entendent acheminer l’aide vers ses destinataires supposés - le silence qui se fait donc, alors, sur l’attitude d’un Hamas bloquant la dite aide au check point de Kerem Shalom et l’y laissant doucement pourrir : au diable les marchandises passées entre les mains des douaniers juifs ! à la poubelle les «jouets» qui ont fait pleurer les bonnes âmes européennes mais qui ont été rendus impurs par les trop longues heures passées dans le port israélien de Ashdod ! les enfants gazaouis n’ayant jamais rien été d’autre, pour le gang d’islamistes qui a pris le pouvoir par la force il y a trois ans, que des boucliers humains, de la chair à canon ou des vignettes médiatiques, leurs jeux ou leurs désirs sont la dernière chose dont on ait, là-bas, le souci - mais qui le dit ? qui s’en indigne ? qui se risque à expliquer que s’il y a, à Gaza, un preneur d’otage, un profiteur sans scrupule et froid de la souffrance des gens et, en particulier, des enfants, bref, un pirate, ce n’est pas Israël mais le Hamas ? Désinformation encore - risible mais, compte tenu du contexte stratégique, catastrophique désinformation : le discours, à Konya, dans le centre de la Turquie, d’un Premier ministre qui fait jeter en prison quiconque ose publiquement évoquer le génocide des Arméniens mais qui a le culot, là, face à des milliers de manifestants chauffés à blanc et vociférant des slogans antisémites, de dénoncer le «terrorisme d’Etat» israélien.

Désinformation, encore : le lamento des idiots utiles tombés, avant Israël, dans le piège de ces étranges «humanitaires» qui sont, au IHH turc par exemple, des adeptes du jihad, des fanatiques de l’apocalypse anti-israélienne et antijuive, des hommes et des femmes dont certains, quelques jours avant l’assaut, disaient vouloir «mourir en martyrs» (Guardian du 3 juin, Al Aqsa TV du 30 mai) : comment un écrivain de la trempe du Suédois Henning Mankell a-t-il pu se laisser ainsi abuser ? Comment, quand il nous dit songer à interdire la traduction de ses livres en hébreu, peut-il, lui, pour le coup, oublier la sacro-sainte distinction entre un gouvernement fautif ou stupide et la foule de ceux qui ne se reconnaissent aucunement en lui et qu’il associe pourtant dans le même projet de boycott insensé ? Comment le réseau de salles Utopia peut-il, en France, exactement de la même façon, décider de déprogrammer la sortie d’un film (A cinq heures de Paris) au seul motif que son auteur (Leonid Prudovsky) est citoyen israélien ? Désinformateurs, enfin, les bataillons de tartuffes regrettant qu’Israël se dérobe aux exigences d’une enquête internationale quand la vérité est, à nouveau, tellement plus simple et plus logique : ce qu’Israël refuse c’est l’enquête demandée par un conseil des droits de l’homme des Nations unies où règnent ces grands démocrates que sont les Cubains, les Pakistanais et autres Iraniens ; ce dont Israël ne veut pas c’est d’une démarche du type de celle qui aboutit au fameux rapport Goldstone commandé, après la guerre de Gaza, par la même sympathique commission et où l’on vit cinq juges, dont quatre n’avaient jamais fait mystère de leur antisionisme militant, boucler en quelques jours 575 pages d’interviews de combattants et de civils palestiniens menées (hérésie absolue, sans précédent, dans ce type de travail !) sous l’œil des commissaires politiques du Hamas ; ce à quoi Israël a prévenu (et comment le lui reprocher ?) qu’il n’apporterait pas sa caution à la mascarade de justice internationale que serait une enquête bâclée, aux conclusions connues d’avance et ne visant qu’à traîner, comme d’habitude, de façon parfaitement unilatérale, la seule et unique démocratie de la région au banc des accusés.

Un dernier mot. Pour un homme comme moi, pour quelqu’un qui s’honore d’avoir, avec d’autres, aidé à inventer le principe de ce type d’actions symboliques (Bateau pour le Vietnam ; Marche pour la survie au Cambodge de 1979 ; boycotts antitotalitaires ; ou encore, plus récemment, violation délibérée de la frontière soudanaise pour briser le blocus à l’abri duquel se perpétraient les massacres de masse du Darfour), pour un militant, en d’autres termes, de l’ingérence humanitaire et du tapage qui va avec, il y a dans cette épopée misérable comme une caricature, ou une grimace lugubre, du destin. Mais raison de plus pour ne pas céder. Raison de plus pour refuser cette confusion des genres, cette inversion des signes et des valeurs. Raison de plus pour résister à ce détournement de sens qui met au service des barbares l’esprit même d’une politique qui fut conçue pour les contrer. Misère de la dialectique antitotalitaire et de ses retournements mimétiques. Confusion d’une époque où l’on combat les démocraties comme s’il s’agissait de dictatures ou d’Etats fascistes. C’est d’Israël qu’il est question dans ce tourbillon de haine et de folie - mais c’est aussi, que l’on y prenne garde, quelques-uns des acquis les plus précieux, à gauche notamment, du mouvement des idées depuis trente ans qui se voient mis en péril. A bon entendeur, salut.

Bernard-Henri Lévy est actionnaire de «Libération

14 mai 2010

les abeilles sous l'angle économique

...

La valeur des services gratuits de la nature
Les abeilles ont depuis longtemps retenu l’attention des économistes, notamment en raison des « externalités positives » liées à leur activité. Le terme d’externalité désigne l’impact indirect (non intentionnel) sur un acteur économique (entreprise, consommateur…) de la production ou de la consommation d’un autre acteur. Ainsi, une entreprise chimique produit-elle souvent à la fois les produits chimiques qu’elle vend et des pollutions diverses de l’eau, de l’air ou des sols. Ces dernières sont des externalités négatives (ou dommages « collatéraux »).
Au sens économique le plus strict, les abeilles ne produisent que du miel, et seule la production de miel et des produits dérivés intervient sur les marchés ou dans le calcul du PIB, comme contribution de la filière apicole. Or ces insectes, avec d’autres, ont la merveilleuse propriété de « polliniser » les plantes à fleurs, c’est-à-dire de transporter le pollen des étamines des fleurs vers des fleurs de la même espèce, permettant la fécondation. De nombreuses espèces de fruits, de légumes, d’arbres « non fruitiers » sont concernées par cette externalité positive, qui fait partie des services gratuits de la nature, car il n’existe aucun mécanisme marchand permettant de rémunérer les propriétaires des abeilles pour ce service, et encore moins les insectes sauvages, qui n’ont pas de propriétaire humain…
Peut-on attribuer une valeur monétaire à ce service qui n’a pas de prix ? L’exercice est périlleux, mais il ne manque pas d’intérêt. La méthode consiste, dans un premier temps, à évaluer par des expériences le degré de dépendance de certaines productions aux abeilles. En effet - Einstein ne semble pas en avoir tenu compte - la pollinisation s’effectue selon trois grands modes : par des insectes nombreux (dont les abeilles, qui jouent le rôle le plus important), par le vent, et par « l’autopollinisation ». Exemple : pour l’oignon porte-graines, les abeilles contribueraient pour 70 % à la production de semences . Globalement, selon l’INRA, « En terme pondéral, 35% de la production mondiale de nourriture résulte de la production de cultures dépendant des pollinisateurs, 60% provient de cultures qui ne dépendent pas des pollinisateurs (principalement les céréales comme le blé, le maïs et le riz) et 5% provient de cultures pour lesquelles l’impact des pollinisateurs est encore inconnu. »

Il devient alors possible d’estimer grossièrement la valeur monétaire des pertes de production (ou de PIB) qui résulteraient de l’absence d’abeilles, c’est-à-dire la valeur économique totale de la pollinisation par les abeilles. Dans le cas des États-Unis, cette valeur serait de l’ordre de 15 milliards de dollars, selon une étude de 2000 reposant sur des hypothèses très incertaines. Pour l’ensemble des insectes sauvages, une autre étude aboutit à 57 milliards de dollars, en comptant les déficits de pollinisation, mais aussi et surtout le rôle économique des insectes mangés par les poissons ou les oiseaux. Pour information, la valeur ajoutée brute de l’agriculture américaine, y compris l’exploitation des forêts et la pêche, était de 141 milliards de dollars en 2001 .
Pour l’instant, ON NE SAIT PAS AVEC CERTITUDE si ce sont des dommages écologiques, dont ceux de l’agriculture intensive, qui sont à l’origine de l’extinction partielle des abeilles, s’il s’agit de parasites, virus ou autres, ou si les premiers créent un terrain plus favorable à la contamination par les seconds. En revanche, pour la disparition des insectes et plus généralement pour la chute spectaculaire de la biodiversité animale, on sait que l’espèce humaine en est la grande responsable (rapport de l’Union Mondiale pour la nature publié le 12 septembre).

Que faire de ces travaux ?

1. Les faire connaître et encourager leur poursuite, car ils montrent que les conséquences économiques des pollutions humaines sur les abeilles sont sans commune mesure avec leur production actuellement intégrée au PIB (le miel), de l’ordre de 200 millions de dollars aux États-Unis. Mais en même temps, ils conduisent à relativiser les propos les plus alarmistes relayés et amplifiés par Les Échos.

2. Prendre au sérieux les avertissements de la FAO : pour les pays pauvres (qui ont par ailleurs besoin de maîtriser certains insectes nuisibles porteurs de maladies mortelles ou ravageant des cultures !), les incidences humaines de la disparition d’espèces pollinisatrices, qui dépendent elles-mêmes de leurs écosystèmes, seraient très graves : « Le fait est que les services d’écosystème fournis par les pollinisateurs sont essentiels pour la production vivrière - aussi bien en termes de rendement que de qualité - et contribuent aux moyens d’existence durable de nombreux agriculteurs dans le monde entier. »

3. Admettre plus généralement que ces évaluations (après tout, qu’est-ce que 15 milliards pour l’économie américaine ?) ne comptent pas tout ce qui compte et sont incapables de raisonner en termes d’écosystèmes. Elles ne se fondent que sur des pertes économiques évaluables à court terme. La disparition éventuelle des abeilles serait une perte selon bien d’autres valeurs que celles de l’économie. C’est dans de tels cas qu’il faudrait invoquer le principe de précaution et faire fonctionner une démocratie scientifique ouverte aux citoyens « profanes ».

Jean Gadrey "Alternatives économiques"

10 mai 2010

De la race en Amérique

« Nous le peuple, dans le but de former une union plus parfaite.

Il y a deux cent vingt et un ans, un groupe d'hommes s’est rassemblé dans une salle qui existe toujours de l'autre côté de la rue, et avec ces simples mots, lança l'aventure inouïe de la démocratie américaine.

Agriculteurs et savants, hommes politiques et patriotes qui avaient traversé l’océan pour fuir la tyrannie et les persécutions, donnèrent enfin forme à leur déclaration d’indépendance lors d’une convention qui siégea à Philadelphie jusqu’au printemps 1787.

Ils finirent par signer le document rédigé, non encore achevé. Ce document portait le stigmate du péché originel de l’esclavage, un problème qui divisait les colonies et faillit faire échouer les travaux de la convention jusqu’à ce que les pères fondateurs décident de permettre le trafic des esclaves pendant encore au moins vingt ans, et de laisser aux générations futures le soin de l’achever.

Bien sûr, la réponse à la question de l’esclavage était déjà en germe dans notre constitution, une constitution dont l’idéal de l’égalité des citoyens devant la loi est le cœur, une constitution qui promettait à son peuple la liberté et la justice, et une union qui pouvait et devait être perfectionnée au fil du temps.

Et pourtant des mots sur un parchemin ne suffirent ni à libérer les esclaves de leurs chaînes, ni à donner aux hommes et aux femmes de toute couleur et de toute croyance leurs pleins droits et devoirs de citoyens des Etats-Unis

Il fallait encore que, de génération en génération, les Américains s’engagent —en luttant et protestant, dans la rue et dans les tribunaux, et en menant une guerre civile et une campagne de désobéissance civile, toujours en prenant de grands risques—, pour réduire l'écart entre la promesse de nos idéaux et la réalité de leur temps.

C’est l’une des tâches que nous nous sommes fixées au début de cette campagne —continuer la longue marche de ceux qui nous ont précédé, une marche pour une Amérique plus juste, plus égale, plus libre, plus généreuse et plus prospère.

J’ai choisi de me présenter aux élections présidentielles à ce moment de l’histoire parce que je crois profondément que nous ne pourrons résoudre les problèmes de notre temps que si nous les résolvons ensemble, que nous ne pourrons parfaire l’union que si nous comprenons que nous avons tous une histoire différente mais que nous partageons de mêmes espoirs, que nous ne sommes pas tous pareils et que nous ne venons pas du même endroit mais que nous voulons aller dans la même direction, vers un avenir meilleur pour nos enfants et petits-enfants.

Cette conviction me vient de ma foi inébranlable en la générosité et la dignité du peuple Américain. Elle me vient aussi de ma propre histoire d'Américain. Je suis le fils d'un noir du Kenya et d'une blanche du Kansas. J’ai été élevé par un grand-père qui a survécu à la Dépression et qui s'est engagé dans l'armée de Patton pendant la deuxième Guerre Mondiale, et une grand-mère blanche qui était ouvrière à la chaîne dans une usine de bombardiers quand son mari était en Europe.

J’ai fréquenté les meilleures écoles d'Amérique et vécu dans un des pays les plus pauvres du monde. J’ai épousé une noire américaine qui porte en elle le sang des esclaves et de leurs maîtres, un héritage que nous avons transmis à nos deux chères filles.

J’ai des frères, des sœurs, des nièces, des neveux des oncles et des cousins, de toute race et de toute teinte, dispersés sur trois continents, et tant que je serai en vie, je n'oublierai jamais que mon histoire est inconcevable dans aucun autre pays.

C’est une histoire qui ne fait pas de moi le candidat le plus plausible. Mais c’est une histoire qui a gravé au plus profond de moi l’idée que cette nation est plus que la somme de ses parties, que de plusieurs nous ne faisons qu’un.

Tout au long de cette première année de campagne, envers et contre tous les pronostics, nous avons constaté à quel point les Américains avaient faim de ce message d'unité.

Bien que l’on soit tenté de juger ma candidature sur des critères purement raciaux, nous avons remporté des victoires impressionnantes dans les états les plus blancs du pays. En Caroline du Sud, où flotte encore le drapeau des Confédérés, nous avons construit une coalition puissante entre Afro-Américains et Américains blancs.

Cela ne veut pas dire que l'appartenance raciale n'a joué aucun rôle dans la campagne. A plusieurs reprises au cours de la campagne, des commentateurs m’ont trouvé ou « trop noir » ou « pas assez noir ».

Nous avons vu surgir des tensions raciales dans la semaine qui a précédé les primaires de la Caroline du Sud. Les médias ont épluché chaque résultat partiel, à la recherche de tout indice de polarisation raciale, pas seulement entre noirs et blancs mais aussi entre noirs et bruns.

Et pourtant ce n’est que ces deux dernières semaines que la question raciale est devenue un facteur de division.

D’un côté on a laissé entendre que ma candidature était en quelque sorte un exercice de discrimination positive, basé seulement sur le désir de libéraux [Ndt : gens de gauche] candides d’acheter à bon marché la réconciliation raciale.

D’un autre côté on a entendu mon ancien pasteur, le Rev. Jeremiah Wright, exprimer dans un langage incendiaire des opinions qui risquent non seulement de creuser le fossé entre les races mais aussi de porter atteinte à ce qu’il y a de grand et de bon dans notre pays. Voilà qui, à juste titre choque blancs et noirs confondus.

J’ai déjà condamné sans équivoque aucune les déclarations si controversées du Rev. Wright. Il reste des points qui en dérangent encore certains.

Est-ce que je savais qu’il pouvait à l’occasion dénoncer avec violence la politique américaine intérieure et étrangère ? Bien sûr. M’est-il arrivé de l’entendre dire des choses contestables quand j’étais dans son église ? Oui. Est-ce que je partage toutes ses opinions politiques ? Non, bien au contraire ! Tout comme j’en suis sûr beaucoup d’entre vous entendent vos pasteurs, prêtres ou rabbins proférer des opinions que vous êtes loin de partager.

Mais les déclarations à l’origine de ce récent tollé ne relevaient pas seulement de la polémique. Elles n’étaient pas que l’indignation d’un leader spirituel dénonçant les injustices ressenties.

Elles reflétaient plutôt une vue profondément erronée de ce pays —une vue qui voit du racisme blanc partout, une vue qui met l'accent sur ce qui va mal en Amérique plutôt que sur ce qui va bien. Une vue qui voit les racines des conflits du Moyen-Orient essentiellement dans les actions de solides alliés comme Israël, au lieu de les chercher dans les idéologies perverses et haineuses de l'Islam radical.

Le Rev. Jeremiah Wright ne fait pas que se tromper, ses propos sèment la discorde à un moment où nous devons trouver ensemble des solutions à nos énormes problèmes : deux guerres, une menace terroriste, une économie défaillante, une crise chronique du système de santé, un changement climatique aux conséquences désastreuses. Ces problèmes ne sont ni noirs ni blancs, ni hispaniques ni asiatiques mais ce sont des problèmes qui nous concernent tous.

Au vu de mon parcours, de mes choix politiques et des valeurs et idéaux auxquels j’adhère, on dira que je ne suis pas allé assez loin dans ma condamnation. Et d’abord pourquoi m’être associé avec le Rev. Jeremiah Wright, me demandera-t-on ? Pourquoi ne pas avoir changé d’église ?

J’avoue que si tout ce que je savais du Rev. Wright se résumait aux bribes de sermons qui passent en boucle à la télévision et sur YouTube, ou si la Trinity United Church of Christ ressemblait aux caricatures colportées par certains commentateurs, j’aurais réagi de même.

Mais le fait est que ce n’est pas tout ce que je sais de cet homme. L’homme que j’ai rencontré il y a plus de vingt ans est l’homme qui m’a éveillé à ma foi. Un homme pour qui aimer son prochain, prendre soin des malades et venir en aide aux miséreux est un devoir.

Voilà un homme qui a servi dans les Marines, qui a étudié et enseigné dans les meilleures universités et séminaires et qui pendant plus de trente ans a été à la tête d’une église, qui en se mettant au service de sa communauté accomplit l’œuvre de Dieu sur terre : loger les sans-abris, assister les nécessiteux, ouvrir des crèches, attribuer des bourses d’études, rendre visite aux prisonniers, réconforter les séropositifs et les malades atteints du sida.

Dans mon livre, Les Rêves de mon père, je décris mes premières impressions de l’église de la Trinity:

« L'assistance se mit à crier, à se lever, à taper des mains, et le vent puissant de son souffle emportait la voix du révérend jusqu'aux chevrons (...). Et dans ces simples notes — espoir ! — j’entendis autre chose. Au pied de cette croix, à l'intérieur des milliers d'églises réparties dans cette ville, je vis l'histoire de noirs ordinaires se fondre avec celles de David et Goliath, de Moïse et Pharaon, des chrétiens jetés dans la fosse aux lions, du champ d’os desséchés d’Ezékiel.

Ces histoires —de survie, de liberté, d’espoir— devenaient notre histoire, mon histoire ; le sang qui avait été versé était notre sang, les larmes étaient nos larmes. Cette église noire, en cette belle journée, était redevenue un navire qui transportait l’histoire d’un peuple jusqu'aux générations futures et jusque dans un monde plus grand.

Nos luttes et nos triomphes devenaient soudain uniques et universels, noirs et plus que noirs. En faisant la chronique de notre voyage, les histoires et les chants nous donnaient un moyen de revendiquer des souvenirs dont nous n'avions pas à avoir honte (…), des souvenirs que tout le monde pouvait étudier et chérir - et avec lesquels nous pouvions commencer à reconstruire. »


Telle a été ma première expérience à Trinity. Comme beaucoup d’églises majoritairement noires, Trinity est un microcosme de la communauté noire : on y voit le médecin et la mère assistée, l’étudiant modèle et le voyou repenti.

Comme toutes les autres églises noires, les services religieux de Trinity résonnent de rires tapageurs et de plaisanteries truculentes. Et ça danse, ça tape des mains, ça crie et ça hurle, ce qui peut paraître incongru à un nouveau venu

L'église contient toute la tendresse et la cruauté, l’intelligence l’extrême et l’ignorance crasse, les combats et les réussites, tout l'amour et, oui, l'amertume et les préjugés qui sont la somme de l’expérience noire en Amérique.

Et cela explique sans doute mes rapports avec le Rev. Wright. Si imparfait soit-il, je le considère comme un membre de ma famille. Il a raffermi ma foi, célébré mon mariage et baptisé mes enfants.

Jamais dans mes conversations avec lui ne l’ai-je entendu parler d’un groupe ethnique en termes péjoratifs, ou manquer de respect ou de courtoisie envers les blancs avec qui il a affaire. Il porte en lui les contradictions — le bon et le mauvais— de la communauté qu’il sert sans se ménager depuis tant d’années.

Je ne peux pas plus le renier que je ne peux renier la communauté noire, je ne peux pas plus le renier que je ne peux renier ma grand-mère blanche, une femme qui a fait tant de sacrifices pour moi, une femme qui m'aime plus que tout au monde, mais aussi une femme qui m’avouait sa peur des noirs qu’elle croisait dans la rue et que, plus d'une fois, j’ai entendu faire des remarques racistes qui m'ont répugné.

Ces personnes sont une partie de moi. Et elles font partie de l’Amérique, ce pays que j’aime.

D'aucuns verront ici une tentative de justifier ou d’excuser des propos tout à fait inexcusables. Je peux vous assurer qu’il n’en est rien. Je suppose qu’il serait plus prudent, politiquement, de continuer comme si de rien n'était, en espérant que toute l’affaire sera vite oubliée.

Nous pourrions faire peu de cas du Rev. Wright, et ne voir en lui qu’un excentrique ou un démagogue, tout comme certains l’ont fait dans le cas de Geraldine Ferraro, l’accusant, à la suite de ses récentes déclarations, de préjugé racial.

Mais je crois que ce pays, aujourd'hui, ne peut pas se permettre d'ignorer la problématique de race. Nous commettrions la même erreur que le Rev. Wright dans ses sermons offensants sur l'Amérique —en simplifiant, en recourant à des stéréotypes et en accentuant les côtés négatifs au point de déformer la réalité.

Le fait est que les propos qui ont été tenus et les problèmes qui ont été soulevés ces dernières semaines reflètent les aspects complexes du problème racial que n’avons jamais vraiment explorés — une partie de notre union qui nous reste encore à parfaire.

Et si nous abandonnons maintenant pour revenir tout simplement à nos positions respectives, nous n'arriverons jamais à nous unir pour surmonter ensemble les défis que sont l'assurance maladie, l'éducation ou la création d'emplois pour chaque Américain.

Pour comprendre cet état de choses, il faut se rappeler comment on en est arrivé là. Comme l’a écrit William Faulkner : « Le passé n’est pas mort et enterré. En fait il n’est même pas passé. » Nul besoin ici de réciter l’histoire des injustices raciales dans ce pays

Mais devons nous rappeler que si tant de disparités existent dans la communauté afro-américaine d’aujourd’hui, c’est qu’elles proviennent en droite ligne des inégalités transmises par la génération précédente qui a souffert de l'héritage brutal de l'esclavage et de Jim Crow.

La ségrégation à l’école a produit et produit encore des écoles inférieures. Cinquante ans après Brown vs. The Board of Education, rien n’a changé et la qualité inférieure de l’éducation que dispensent ces écoles aide à expliquer les écarts de réussite entre les étudiants blancs et noirs d’aujourd’hui.

La légalisation de la discrimination —des noirs qu’on empêchait, souvent par des méthodes violentes, d'accéder a la propriété, des crédits que l’on accordait pas aux entrepreneurs afro-américains, des propriétaires noirs qui n'avaient pas droit aux prêts du FHA [Ndt : Federal Housing Administration, l’administration fédérale en charge du logement], des noirs exclus des syndicats, des forces de police ou des casernes de pompiers, a fait que les familles noires n’ont jamais pu accumuler un capital conséquent à transmettre aux générations futures.

Cette histoire explique l’écart de fortune et de revenus entre noirs et blancs et la concentration des poches de pauvreté qui persistent dans tant de communautés urbaines et rurales d’aujourd’hui.

Le manque de débouchés parmi les noirs, la honte et la frustration de ne pouvoir subvenir aux besoins de sa famille ont contribué a la désintégration des familles noires —un problème que la politique d’aide sociale, pendant des années, a peut-être aggravée. Le manque de service publics de base dans un si grand nombre de quartiers noirs —des aires de jeux pour les enfants, des patrouilles de police, le ramassage régulier des ordures et l'application des codes d'urbanisme, tout cela a crée un cycle de violence, de gâchis et de négligences qui continue de nous hanter.

C'est la réalité dans laquelle le Rev. Wright et d’autres Afro-Américains de sa génération ont grandi. Ils sont devenus adultes à la fin des années 50 et au début des années 60, époque ou la ségrégation était encore en vigueur et les perspectives d'avenir systématiquement réduites.

Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas de voir combien ont renoncé devant la discrimination, mais plutôt combien ont réussi à surmonter les obstacles et combien ont su ouvrir la voie à ceux qui, comme moi, allaient les suivre.

Mais pour tous ceux qui ont bataillé dur pour se tailler une part du Rêve Américain, il y en a beaucoup qui n'y sont pas arrivés – ceux qui ont été vaincus, d’une façon ou d’une autre, par la discrimination.

L’expérience de l'échec a été léguée aux générations futures : ces jeunes hommes et, de plus en plus, ces jeunes femmes que l'on voit aux coins des rues ou au fond des prisons, sans espoir ni perspective d'avenir. Même pour les noirs qui s'en sont sortis, les questions de race et de racisme continuent de définir fondamentalement leur vision du monde.

Pour les hommes et les femmes de la génération du Rev. Wright, la mémoire de l’humiliation de la précarité et de la peur n’a pas disparu, pas plus que la colère et l’amertume de ces années.

Cette colère ne s’exprime peut-être pas en public, devant des collègues blancs ou des amis blancs. Mais elle trouve une voix chez le coiffeur ou autour de la table familiale. Parfois cette colère est exploitée par les hommes politiques pour gagner des voix en jouant la carte raciale, ou pour compenser leur propre incompétence.

Et il lui arrive aussi de trouver une voix, le dimanche matin à l’église, du haut de la chaire ou sur les bancs des fidèles. Le fait que tant de gens soient surpris d’entendre cette colère dans certains sermons du Rev. Wright nous rappelle le vieux truisme, à savoir que c’est à l’office du dimanche matin que la ségrégation est la plus évidente.

Cette colère n’est pas toujours une arme efficace. En effet, bien trop souvent, elle nous détourne de nos vrais problèmes, elle nous empêche de confronter notre part de responsabilité dans notre condition, et elle empêche la communauté afro-américaine de nouer les alliances indispensables à un changement véritable.

Mais cette colère est réelle, et elle est puissante, et de souhaiter qu’elle disparaisse, de la condamner sans en comprendre les racines ne sert qu’à creuser le fossé d’incompréhension qui existe entre les deux races.

Et de fait, il existe une colère similaire dans certaines parties de la communauté blanche. La plupart des Américains de la classe ouvrière et de la classe moyenne blanche n'ont pas l’impression d’avoir été spécialement favorisés par leur appartenance raciale.

Leur expérience est l’expérience de l’immigrant —dans leur cas, ils n’ont hérité de personne, ils sont partis de rien. Ils ont travaillé dur toute leur vie, souvent pour voir leurs emplois délocalisés et leurs retraites partir en fumée.

Ils sont inquiets pour leur avenir, ils voient leurs rêves s’évanouir; à une époque de stagnation des salaires et de concurrence mondiale, les chances de s’en sortir deviennent comme un jeu de somme nulle où vos rêves se réalisent au dépens des miens.

Alors, quand on leur dit que leurs enfants sont affectés à une école à l’autre bout de la ville, quand on leur dit qu’un Afro-Américain qui décroche un bon job ou une place dans une bonne faculté est favorisé à cause d’une injustice qu’ils n’ont pas commise, quand on leur dit que leur peur de la délinquance dans les quartiers est une forme de préjugé, la rancœur s'accumule au fil du temps.

Comme la colère au sein de la communauté noire qui ne s’exprime pas en public, ces choses qui fâchent ne se disent pas non plus. Mais elles affectent le paysage politique depuis au moins une génération.

C’est la colère envers la politique d’assistance de l’Etat-Providence et la politique de discrimination positive qui ont donné naissance à la Coalition Reagan. Les hommes politiques ont systématiquement exploité la peur de l’insécurité à des fins électorales. Les présentateurs des talk-shows et les analystes conservateurs se sont bâti des carrières en débusquant des accusations de racisme bidon, tout en assimilant les débats légitimes sur les injustices et les inégalités raciales à du politiquement correct ou du racisme a rebours.

Tout comme la colère noire s’est souvent avérée contre-productive, la rancœur des blancs nous a aveuglés sur les véritables responsables de l’étranglement de la classe moyenne —une culture d’entreprise où les délits d'initiés, les pratiques comptables douteuses et la course aux gains rapides sont monnaie courante ; une capitale sous l'emprise des lobbies et des groupes de pression, une politique économique au service d'une minorité de privilégiés.

Et pourtant, souhaiter la disparition de cette rancœur des blancs, la qualifier d’inappropriée, voire de raciste, sans reconnaître qu’elle peut avoir des causes légitimes —voila aussi qui contribue à élargir la fracture raciale et faire en sorte que l’on n'arrive pas à se comprendre.

Voilà où nous en sommes actuellement : incapables depuis des années de nous extirper de l'impasse raciale. Contrairement aux dires de certains de mes critiques, blancs ou noirs, je n'ai jamais eu la naïveté de croire que nous pourrions régler nos différends raciaux en l'espace de quatre ans ou avec une seule candidature, qui plus est une candidature aussi imparfaite que la mienne.

Mais j’ai affirmé ma conviction profonde—une conviction ancrée dans ma foi en Dieu et ma foi dans le peuple américain—qu’en travaillant ensemble nous arriverons à panser nos vieilles blessures raciales et qu’en fait nous n’avons plus le choix si nous voulons continuer d’avancer dans la voie d’une union plus parfaite.

Pour la communauté afro-américaine, cela veut dire accepter le fardeau de notre passé sans en devenir les victimes, cela veut dire continuer d’exiger une vraie justice dans tous les aspects de la vie américaine. Mais cela veut aussi dire associer nos propres revendications –meilleure assurance maladie, meilleures écoles, meilleurs emplois—aux aspirations de tous les Américains, qu’il s’agisse de la blanche qui a du mal à briser le plafond de verre dans l’échelle hiérarchique, du blanc qui a été licencié ou de l'immigrant qui s’efforce de nourrir sa famille.

Cela veut dire aussi assumer pleinement nos responsabilités dans la vie — en exigeant davantage de nos pères, en passant plus de temps avec nos enfants, en leur faisant la lecture, en leur apprenant que même s'ils sont en butte aux difficultés et à la discrimination, ils ne doivent jamais succomber au désespoir et au cynisme : ils doivent toujours croire qu’ils peuvent être maîtres de leur destinée.

L’ironie, c’est que cette notion si fondamentalement américaine –et, oui, conservatrice—de l’effort personnel, on la retrouve souvent dans les sermons du Rev. Wright. Mais ce que mon ancien pasteur n’a pas compris, c’est qu’on ne peut pas chercher à s’aider soi-même sans aussi croire que la société peut changer.

L’erreur profonde du Rev. Wright n’est pas d’avoir parlé du racisme dans notre société. C’est d’en avoir parlé comme si rien n'avait changé, comme si nous n'avions pas accompli de progrès, comme si ce pays —un pays ou un noir peut être candidat au poste suprême et construire une coalition de blancs et de noirs, d'hispaniques et d'asiatiques, de riches et de pauvres, de jeunes et de vieux—était encore prisonnier de son passé tragique. Mais ce que nous savons – ce que nous avons vu—c’est que l’Amérique peut changer. C’est là le vrai génie de cette nation. Ce que nous avons déjà accompli nous donne de l’espoir —l’audace d’espérer —pour ce que nous pouvons et devons accomplir demain.

Pour ce qui est de la communauté blanche, la voie vers une union plus parfaite suppose de reconnaître que ce qui fait souffrir la communauté afro-américaine n’est pas le produit de l’imagination des noirs ; que l’héritage de la discrimination —et les épisodes actuels de discrimination, quoique moins manifestes que par le passé- sont bien réels et doivent être combattus.

Non seulement par les mots, mais par les actes —en investissant dans nos écoles et nos communautés ; en faisant respecter les droits civils et en garantissant une justice pénale plus équitable ; en donnant à cette génération les moyens de s'en sortir, ce qui faisait défaut aux générations précédentes.

Il faut que tous les Américains comprennent que vos rêves ne se réalisent pas forcément au détriment des miens ; qu'investir dans la santé, les programmes sociaux et l'éducation des enfants noirs, bruns et blancs contribuera à la prospérité de tous les Américains.

En fin de compte, ce que l’on attend de nous, ce n’est ni plus ni moins ce que toutes les grandes religions du monde exigent —que nous nous conduisions envers les autres comme nous aimerions qu’ils se conduisent envers nous. Soyons le gardien de notre frère, nous disent les Ecritures. Soyons le gardien de notre sœur. Trouvons ensemble cet enjeu commun qui nous soude les uns aux autres, et que notre politique reflète aussi l'esprit de ce projet.

Car nous avons un choix à faire dans ce pays. Nous pouvons accepter une politique qui engendre les divisions intercommunautaires, les conflits et le cynisme. Nous pouvons aborder le problème racial en voyeurs —comme pendant le procès d’O.J. Simpson —, sous un angle tragique – comme nous l’avons fait après Katrina – ou encore comme nourriture pour les journaux télévisés du soir. Nous pouvons exploiter la moindre bavure dans le camp d’Hillary comme preuve qu’elle joue la carte raciale, ou nous pouvons nous demander si les électeurs blancs voteront en masse pour John McCain en novembre, quel que soit son programme politique.

Oui, nous pouvons faire cela.

Mais dans ce cas, je vous garantis qu’aux prochaines élections nous trouverons un autre sujet de distraction. Et puis un autre. Et puis encore un autre. Et rien ne changera.

C’est une possibilité. Ou bien, maintenant, dans cette campagne, nous pouvons dire ensemble : « Cette fois, non ». Cette fois nous voulons parler des écoles délabrées qui dérobent leur avenir à nos enfants, les enfants noirs, les enfants blancs, les enfants asiatiques, les enfants hispaniques et les enfants amérindiens.

Cette fois nous ne voulons plus du cynisme qui nous répète que ces gosses sont incapables d'apprendre, que ces gosses qui nous ne ressemblent pas sont les problèmes de quelqu'un d'autre. Les enfants de l’Amérique ne sont pas ces gosses-là, mais ces gosses-là sont pourtant bien nos enfants, et nous ne tolérerons pas qu’ils soient laissés pour compte dans la société du vingt-et-unième siècle. Pas cette fois.

Cette fois nous voulons parler des files d’attente aux urgences peuplées de blancs, de noirs et d’hispaniques qui n’ont pas d’assurance santé, qui ne peuvent seuls s’attaquer aux groupes de pression mais qui pourront le faire si nous nous y mettons tous.

Cette fois nous voulons parler des usines qui ont fermé leurs portes et qui ont longtemps fait vivre honnêtement des hommes et des femmes de toute race, nous voulons parler de ces maisons qui sont maintenant à vendre et qui autrefois étaient les foyers d'Américains de toute religion, de toute région et de toute profession.

Cette fois nous voulons parler du fait que le vrai problème n’est pas que quelqu’un qui ne vous ressemble pas puisse vous prendre votre boulot, c’est que l’entreprise pour laquelle vous travaillez va délocaliser dans le seul but de faire du profit.

Cette fois, nous voulons parler des hommes et des femmes de toute couleur et de toute croyance qui servent ensemble, qui combattent ensemble et qui versent ensemble leur sang sous le même fier drapeau. Nous voulons parler du moyen de les ramener à la maison, venant d’une guerre qui n’aurait jamais dû être autorisée et qui n’aurait jamais dû avoir lieu, et nous voulons parler de la façon de montrer notre patriotisme en prenant soin d’eux et de leurs familles et en leur versant les allocations auxquelles ils ont droit.

Je ne me présenterais pas à l’élection présidentielle si je ne croyais pas du fond du cœur que c'est ce que veut l'immense majorité des Américains pour ce pays. Cette union ne sera peut-être jamais parfaite mais, génération après génération, elle a montré qu’elle pouvait se parfaire.

Et aujourd'hui, chaque fois que je me sens sceptique ou cynique quant à cette possibilité, ce qui me redonne le plus d’espoir est la génération à venir —ces jeunes dont les attitudes, les croyances et le sincère désir de changement sont déjà, dans cette élection, rentrés dans l’Histoire.

Il y a une histoire que j’aimerais partager avec vous aujourd’hui, une histoire que j’ai eu l’honneur de raconter lors de la commémoration de la naissance de Martin Luther King, dans sa paroisse, Ebenezer Baptist, à Atlanta.

Il y a une jeune blanche de 23 ans, du nom d’Ashley Baia, qui travaillait pour notre campagne à Florence, en Caroline du Sud. Depuis le début, elle a été chargée de mobiliser une communauté à majorité afro-américaine. Et un jour elle s’est trouvée à une table ronde où chacun, tour à tour, racontait son histoire et disait pourquoi il était là.

Et Ashley a dit que quand elle avait 9 ans sa maman a eu un cancer, et parce qu’elle avait manqué plusieurs jours de travail elle a été licenciée et a perdu son assurance maladie. Elle a dû se mettre en faillite personnelle et c’est là qu’Ashley s’est décidée à faire quelque chose pour aider sa maman.

Elle savait que ce qui coûtait le plus cher c’était d’acheter à manger, et donc Ashley a convaincu sa mère ce qu’elle aimait par-dessus tout, c’était des sandwichs moutarde-cornichons. Parce que c'était ce qu’il y avait de moins cher.

C'est ce qu’elle a mangé pendant un an, jusqu'à ce que sa maman aille mieux. Et elle a dit à tout le monde, à la table ronde, qu’elle s’était engagée dans la campagne pour aider les milliers d’autres enfants du pays qui eux aussi veulent et doivent aider leurs parents.

Ashley aurait pu agir différemment. Quelqu’un lui a peut être dit a un moment donné que la cause des ennuis de sa mère c’était soit les noirs qui, trop paresseux pour travailler, vivaient des allocations sociales, soit les hispaniques qui entraient clandestinement dans le pays. Mais ce n’est pas ce qu’elle a fait. Elle a cherché des alliés avec qui combattre l’injustice.

Bref, Ashley termine son histoire et demande a chacun pourquoi il s'est engagé dans la campagne. Ils ont tous des histoires et des raisons différentes. Il y en a beaucoup qui soulèvent un problème précis. Et pour finir, c’est le tour de ce vieillard noir qui n’a encore rien dit.

Et Ashley lui demande pourquoi il est là. Il ne soulève aucun point en particulier. Il ne parle ni de l’assurance maladie ni de l’économie. Il ne parle ni d’éducation ni de guerre. Il ne dit pas qu’il est venu à cause de Barack Obama. Il dit simplement : « Je suis ici à cause d’Ashley. »

« Je suis ici à cause d’Ashley »
. A lui seul, ce déclic entre la jeune fille blanche et le vieillard noir ne suffit pas. Il ne suffit pas pour donner une assurance santé aux malades, du travail à ceux qui n’en n’ont pas et une éducation à nos enfants.

Mais c’est par là que nous démarrons. Par là que notre union se renforce. Et comme tant de générations l’ont compris tout au long des deux cent vingt et une années écoulées depuis que des patriotes ont signé ce document a Philadelphie, c’est par là que commence le travail de perfection. »
Barack Obama

9 mai 2010

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